Presentación
Voyage à pied
Traduit de l’espagnol
par Claude St-Jacques
—14 de abril de 2015—
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Claude St-Jacques (Mirabel, Quebec, Canadá) es doctor en Filosofía (Lógica e Inteligencia Artificial) de la Universidad de Quebec en Montreal. Ha sido investigador post-doctorado en el Instituto de Tecnología de la Información del Consejo Nacional de Investigación de Canadá, el Instituto de Lenguas Segundas en la Universidad de Ottawa y en la Escuela de Ingeniería y de Tecnología de la Información en la misma universidad, donde también se ha desempeñado como profesor de la licenciatura en Filosofía (Los grandes filósofos, Filosofía de la mente, Razonamiento y pensamiento crítico, Filosofía de la psicología). Cuenta con una treintena de publicaciones, en su mayoría en revistas de ciencias y de filosofía de la mente.
Rosa María Hernández Echavarría (Bello, Antioquia, Colombia) es licenciada en Idiomas Inglés-Español e Inglés-Francés de la Universidad Pontificia Bolivariana. Después de viajar por numerosos países, se instaló en Quebec, Canadá, donde se dedicó a trabajar en el campo. Además de su labor como agricultora, elabora tarjetas y cuadros con flores y papel artesanal. Durante más de veinte años ha participado en la feria de San Alejo en Medellín y en los Domingos del Tam Tam en Montreal. En «Voyage à pied» recreó con su técnica los dibujos de Alberto Arango Uribe que ilustraron la primera edición de «Viaje a pie» en 1929.
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Véritable voyage au cœur de la Colombie catholique et conservatrice, González nous décrit toute la beauté des paysages andins et les fins intérieurs motivant cette randonnée. S’identifiant comme simple aficionado à la philosophie, il considère n’être compromis à aucune position béatique en ce domaine. Il utilise à la fois l’humour pour dénoncer ou ridiculiser subtilement les vices et les défauts des Colombiens qu’il aime, et le langage populaire pour diffuser et rendre accessible sa réflexion philosophique. Combien d’auteurs en philosophie peuvent se targuer de faire rire et d’utiliser un langage populaire ? La philosophie normalement perçue comme un discours sérieux et raisonné ne laisse aucune place au rire et aux explications simples, sauf chez Fernando González.
Claude St-Jacques
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Claude St-Jacques y Rosa M. Hernández
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Voyage à pied
~ Fragment ~
Introduction
21 décembre 1928
Voyage à pied de deux
philosophes aficionados
Avant tout, un auteur doit définir son climat intérieur. Ce cadre définit le livre. À chaque époque de sa vie, l’individu a trois ou quatre idées et sentiments qui constituent son climat spirituel. D’eux, de ces trois ou quatre sentiments et idées, proviennent ses œuvres durant cette époque.
Voici, pris de notre journal de décembre 1928, des notes qui définissent notre ambiance intérieure durant l’époque de la réalisation, de la gestation de ce livre :
« Décembre, le 5 — Ciel bleu pâle; tranquille d’ambiance. Nous sommes très heureux physiologiquement. Le Pacifique doit être rutilant. Tous, nous venons de la mer. Nos cellules sont zoophytes marins, elles nagent dans des solutions salines.
La vie de l’homme est une lutte perpétuelle. Se concentrer est la méthode pour vaincre.
En ce décembre, les arbres doivent générer des ombrages très frais aux bords des rivières du Tropique ; les jungles doivent garder un silence religieux en ces mi-journées et la mer doit être tiède, elle doit envoyer aux côtes des effluves de vies. Nous nous sentons l’animal parfaitement égoïste. »
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I
Nous nous appelons les philosophes aficionados pour ne pas trop nous compromettre et parce que ce nom signifie beaucoup pour n’importe qui. Seul un Estonien, le comte Keyserling, a pu avoir l’effronterie d’écrire deux énormes volumes, avec le titre Journal de voyage d’un philosophe.
Tous nos collègues, depuis avant même Thaïes, ont été modestes. Dans les manuels de philosophie, la première chose que l’on explique, est que la philosophie veut dire ami du savoir ; on enseigne ici, dans les premiers feuillets, à décomposer le mot en philos et en sophos, avec lequel l’étudiant imberbe croit qu’il sait le grec et il répète cela aux cousines, ajouté à ce que disait Socrate aux abords de l’Acropole, durant ses nuits de moralisateur : « Seul je sais que je ne sais rien. »
Nous avions commencé ce journal : « Sonnaient à l’église voisine, mélancoliquement, les cinq coups de cloche… », et nous avons effacé cela, parce qu’elles étaient des réminiscences du style jésuite de notre maître de rhétorique, le père Urrutia. Un de nos amis, qui gagnait toujours les prix, commençait ainsi les descriptions des promenades à cheval : « Il était cinq heures du matin quand, après avoir reçu la Sainte Hostie, nous sommes partis heureux, comme des petits oiseaux, à cheval, nous et le révérend père Mairena… »
À cinq heures (on ne peut pas commencer d’une autre façon, définitivement), nous avons abandonné les lits qui, entre parenthèses, ont été les lieux de nos meilleures élucubrations, inclus les références à Vénus.
Nous sommes partis vers El Poblado, en tramway, par l’une de ces belles routes antioquéniennes qui sont les moins chères au monde. Il était sept heures quand nous avons commencé à monter, avec nos sacs à dos, vers la montagne orientale de la vallée des Indiens sédentaires de Medellin, par une route d’un kilomètre qui se poursuit sur une pente pierreuse ; le kilomètre de route a été fait pour que trois caciques puissent aller à leur domaine digérer prières et vols.
Mais avant de continuer, et pour que le livre se modèle à la définition que nous avons créée, après nous être inspirés du père Ginevra, à savoir : « Un organisme idéologique imprimé », nous dirons quel sera ce voyage à pied, quelles seront ses finalités, quels seront ses motifs et quel sera l’effet pragmatiste que nous nous proposons d’écrire et de donner à l’impression. Le révérend père Urrutia ne disait jamais accoucher un livre et, pour l’avoir écrit, un des nôtres a échoué le cours de rhétorique.
Dites lecteur si, à propos d’organisme idéologique imprimé, cela ne concorde pas avec ce qu’enseigne le père Prisco, de tout le défini et pas plus que le défini. Et comment, selon Aristote (considérez que nous avons à peine entendu parler de lui), définir est une œuvre géniale, depuis que nous avons accouché de cette définition, nous nous sommes appelés aficionados à la métaphysique.
Nous faisons beaucoup de digression, le lecteur doit nous pardonner, car c’est un défaut de notre éducation cléricale.
Le voyage se définit ainsi : Medellín, El Retiro, La Ceja, Abejorral, Aguadas, Pácora, Salamina, Aranzazu, Neira, Manizales, Cali, Buenaventura, Armenia, Los Nevados, à pied avec des sacs à dos et des bâtons. À propos du bâton, note le coaficionado don Benjamín, les Ignaciens affirment que le jésuite doit être comme le bâton du vieil homme. Cette observation ennoblit vis-à-vis de nous-mêmes notre image; elle nous a donnés de l’aplomb. Le digne et l’indigne de l’attitude humaine dépendent de l’idéologie présente alors dans le champ de la conscience. De là, ceux qui ont une grande mobilité spirituelle, qu’ils soient aussi d’une grande variété dans leurs attitudes physiques. Par rapport aux bâtons, ils demeurent ennoblis par le souvenir de la discipline jésuite.
Nous avons vu et nous avons senti les petits nuages dorés par le soleil et les sensations poético-physiologiques que produit la levée du jour au voyageur; mais de cela nous sommes résolus de ne rien dire, parce que ce sont des thèmes d’étudiants de rhétorique, ainsi nous sommes résolus de toujours appeler soleil le soleil et jamais astre roi ni Phébus.
Après une demi-heure de marche était née l’idée de ce livre et nous avions convenu d’adopter, comme colonne vertébrale morale du voyage, l’idée du rythme.
Le rythme est tant important pour vivre comme l’est l’idée de l’enfer pour le soutien de la religion catholique. Chaque individu a son rythme pour marcher, pour travailler et pour aimer. Indubitablement, quand un homme et une femme sont attirés l’un vers l’autre, cela se vérifie par leur rythme ; c’est pourquoi les unions sont extrêmement importantes pour l’économie de l’univers. Par le rythme, pourraient se classifier les hommes.
Nous respirions l’air du matin comme de bons professeurs de gymnastique suédois. Ces inspirations profondes nous apportaient les mêmes émotions qui se produisent en tous ceux qui ont dépensé vingt ou vingt-cinq pesos en littérature stimulante (Dr Crâne, Marden, Atkinson, etc.). Chacun de nous se disposait à une bonne dose d’autosuggestion. Ce fut alors qu’est apparue claire l’idée du rythme, à savoir : pour ne pas s’épuiser on doit découvrir nos rythmes, ajuster à eux nos pas et le mouvement des bâtons, et les accompagner de profondes respirations d’athlète yankee.
La santé, la conservation de notre élasticité juvénile, sont les finalités du voyage. Que mal connu et peu apprécié est le sport pour les Colombiens cléricaux ! Ils aiment beaucoup le corps humain mais dans l’obscurité ; c’est un amour de facto.
Nous avons besoin de corps, sur tous les corps. Qu’on n’ait pas peur de la nudité. Aux Colombiens, à ce pauvre peuple sacerdotal, la nudité est ce qui le rend fou et le tue, car il n’y a rien qu’on aime tant comme ce qui fait peur. L’Église a fait paître ses prairies de zambos (1) et de patizambos (2) et elle a créé des corps horribles, hypocrites.
Don Benjamín, ex-jésuite, dit que son maître de noviciat, le révérend père Guevara, leur a ordonné de ne pas se baigner durant un an, parce qu’ainsi il leur serait facile de conserver la chasteté immaculée de San Luis Gonzaga. Quelle femme intrépide pourrait s’approcher d’un novice ? Ce système du père Guevara est bien meilleur que la clôture barbelée.
En Colombie, depuis 1886, on ne sait pas ce qu’est la plénitude physiologique ; on ignore ce qu’est l’eurythmie, ce qu’est eigeia (3).
Un sédentaire de ce peuple andin peut-il comprendre le Yankee qui se lance en baril de plastique du haut des Chutes Niagara, ou le Gallois qui traverse en solitaire l’Atlantique en petit bateau à voile ? Des mois et des mois au milieu et dans les griffes de ce monstre divin, glauque, obscur, argenté, doré ! Nos femmes pourraient-elles comprendre la Lindy (4) américaine ? Le grand effet de l’« excursionisme », c’est de former des caractères intrépides. Que le jeune s’habitue à œuvrer par la satisfaction du triomphe sur l’obstacle, par le sentiment de plénitude de vie et de dominance. L’homme primitif ne comprend pas sinon les actes, dont la fin est d’accomplir ses besoins physiologiques.
Les peuples habitués à l’effort sont les plus grands. Ainsi, les pays stériles sont peuplés par des héros. La grandeur de Rome s’explique parce qu’une poignée de Romulus était des hommes désespérés qui ont dû voler leurs femmes et leurs terres. Fut le meilleur, entre eux, celui qui se surchargea et courut plus habilement avec sa jeune sabine ; celui qui eut les meilleurs muscles et l’audace pour la lutte. Ainsi commença le stimulus et, de là, naquirent les suggestions, les émotions et la morale des hommes forts qui produisent les Gracques, Lucius Aemilius Paullus, Marius, César, Néron… Quand ils furent riches et que naquirent les complexes littéraires, quand naquit cette vulgarité qu’on appelle les émotions esthétiques, que de tout ils ont moins l’esthétique, vint la race sédentaire qui fut témoin des invasions et des triomphes sur Rome de ces barbares barbus, robustes, orgueilleux de leurs muscles, de leur morale d’homme de proie et de leur esthétique de surhomme.
Notes:
(1) | Se dit en Colombie d’un fils de noir et Indien ou vice versa. (Note du Traducteur.) |
(2) | Patizambo signifie aussi celui qui a les jambes tordues comme un vacher, un cow-boy. (NdT.) |
(3) | Fernando González semble référer à l’Hugiaineυγεíα, un symbole ou signe de reconnaissance pour les pythagoriciens signifiant « Santé », et impliquant à la fois le bien-agir et la joie. (NdT.) |
(4) | La femme américaine qui danse le Lindy Hop de la communauté noire américaine de Harlem vers la fin des années 1920. (NdT.) |
Fuente:
González, Fernando. Voyage à pied. Edilivre, París, 2015, pp.: 3-11. Traducción del español por Claude St-Jacques.
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Ilustración por
Rosa María Hernández E.